Surmenages, dépressions, burn-out, incivilités… il y a un peu de tout ça dans l’agence bancaire dont le management se résume trop souvent à analyser et à piloter à partir de tableaux complexes et précis. Ces tableaux, par les informations qu’ils donnent, sont sensés dire si l’équipe se dirige dans la bonne direction ou si au contraire elle se déroute.
L’image du banquier « ami de la famille » qui accorde le prêt pour le premier appartement ou ouvre le livret A du petit dernier, a-t-elle vécu ?
Avec la crise, les banquiers se cachent-ils pour pleurer ?
- Les conditions de travail à l’épreuve de la crise :
Le management par le « reporting » atteint vite ses limites. Le Syndicat national de la banque tire la sonnette d’alarme sur les conditions de travail des salariés du secteur. Pour la deuxième fois depuis 2011, l’organisation syndicale a mené une enquête sur les risques psychosociaux (RPS) auprès de 5.739 adhérents, exerçant en majorité (65,4 %) en contact direct avec les clients dans un réseau commercial.
En agence, près de 80% des sondés affirment qu’on leur demande « une quantité excessive de travail » et 70,5% n’ont pas « le temps nécessaire pour le faire correctement ». Un rythme guidé, selon 81% d’entre eux, par « les procédures et normes de production ».
Autre difficulté soulignée dans l’enquête : la non prise en compte de l’imprévu – le quotidien d’une agence – et la perte d’autonomie, même pour ceux qui encadrent. Ainsi, près de 60% des encadrants ne peuvent ni choisir, ni modifier leurs méthodes de travail. « Le management n’est pas là pour ses compétences, mais pour sa capacité à exécuter des décisions et à réaliser du reporting », indique Xénophon Vaxevanoglou, psychologue du travail.
- Vendre ou conseiller ?
Cette culture du chiffre peut entrer en conflit avec la dimension « conseil » des métiers de l’agence bancaire. En 2005, la sociologue Elisabeth Brun-Hurtado observait « une porosité croissante du groupe des commerciaux de l’agence bancaire par rapport au reste des entreprises privées marchandes ». Aujourd’hui, cela crée une injonction contradictoire entre, d’un côté, la nécessité de remplir des objectifs commerciaux rendus plus ambitieux avec la crise et, de l’autre, faire son « métier de banquier ».
Se greffe là-dessus la conscience professionnelle : la responsabilité du conseiller vis-à-vis du client est grande, davantage que dans beaucoup de secteurs, car l’argent n’est pas un bien comme les autres. Les salariés le savent et cette pression s’ajoute à celle des chiffres.
- L’organisation du travail : trouver le chemin et gare à la mesure !
Le terrain, c’est la vraie vie de ce qui avait été pensé sur le papier. Comprendre la différence entre tâche « version papier » et activité « version vraie vie » permet de manager le réel. Les collaborateurs ne font pas exactement ce qui était prévu, ne suivent pas exactement les procédures… mais le travail se fait.
L’organisation repose sur une structure, décrite par un organigramme. Les relations entre les personnes ne suivent pas les lignes des organigrammes mais des chemins de pouvoir, d’affinité, d’intérêts. Connaître ces chemins invisibles permet de connaître les leviers informels qui vont rendre possible – ou impossible – une décision.
Il faut permettre au manager d’exercer son métier dans un contexte de travail qui a changé et pour lequel il n’a pas été préparé. Il doit apprendre à lire les réactions des collaborateurs et à distinguer les signes d’épuisement moral et ceux induits par une lassitude naturelle face au poste. Il doit apprendre à promouvoir les réussites individuelles sans stigmatiser les contre-performances.
Les entreprises négligent à tort le levier humain, garant d’engagement dans le travail, de motivation. Dans le contexte actuel, la qualité de vie au travail constitue un facteur prépondérant de contribution à la performance de l’entreprise. Un commercial heureux vendra plus qu’un commercial sous pression !